Dans l’émission C L’hebdo sur France 5, le 8 février 2025, le Dr Jimmy Mohammed a affirmé que les bouteilles en plastique libéraient des microplastiques et des perturbateurs endocriniens. Je vous explique dans ce billet d’où viennent ces affirmations et ce qu’il en est réellement.

Dans cet extrait de l’émission, il mentionne à la fois les perturbateurs endocriniens (PE) et les substances cancérigènes, mais je me concentrerai sur les PE. Je précise qu’il n’y a PAS d’article qui parle du transport de PE par les microplastiques (MPs) présents dans les bouteilles d’eau. J’ai pensé à une confusion : les microplastiques présents dans la nature transportent des substances déjà présentes dans l’environnement, ce qui pose effectivement problème. Mais rien à voir avec le sujet des bouteilles d’eau (source pour exemple : Y. Li et al, 2020).

La présence de microplastiques dans les bouteilles d’eau est connue avec débat sur les quantités et leur origine. Les microplastiques présents sont issus soit de la fabrication soit de l’ouverture de la bouteille. Je vous donne cette source mais il y en a beaucoup d’autres. Donc le sujet est connu. J’avais débunké récemment un article qui annonçait la présence de 240 000 MP/litre dans les bouteilles en plastique, ça ne remet pas en cause leur présence mais il ne doit pas être considéré comme référence.
Oui, il y a des microplastiques dans l’eau en bouteille, comme il y en a dans l’eau du robinet. Parfois il y en a même plus dans cette dernière. A partir du moment ou les méthodes ne sont pas standardisées, on peut retrouver à peu près tout ce que l’on veut sur le sujet.
Comme dans cet article qui compare 10 marques de bouteille d’eau et l’eau du robinet. Cette dernière (échantillon n°11 sur le graphe) présentant plus de MP que 8 eaux en bouteille sur 10. Ça remet en cause sur son affirmation sur l’eau du robinet.

Revenons-en aux PE. Dans les plastiques au contact alimentaire, ceux qui sont identifiés comme sujets d’étude sont le Bisphenol A (BPA) et les phtalates.
Alors, le problème est qu’il n’y a ni BPA ni phtalates dans le PET ou dans le bouchon en PE/PP… pas nécessaire pour ces plastiques.
Je me suis dit qu’il devait penser que le PET poly(éthylène téréphtalate) contenait des phtalates. Ce sont deux éléments très différents. C’est le nom d’une fonction et d’une famille de substances. Ce serait une énorme confusion mais possible si on ne connait pas le sujet. Côté études scientifiques, au début des années 2000-2010, plusieurs articles se sont intéressés à la contamination des contenants alimentaires par des perturbateurs endocriniens, notamment liée à l’utilisation de plastiques.
De nombreuses études ont été réalisées sur l’eau en bouteille. Il y a toute une bibliographie sur le sujet, voici un article qui les présente en 2009 Je vous présente quelques exemples, et pourquoi elles sont considérées comme non probantes.
Une étude de l’université du Missouri présente l’effet de l’eau issue d’une bouteille plastique sur la prolifération de cellules cancéreuses du sein. Cet article montrerait que l’eau en bouteille augmenterait de 78% la croissance des cellules cancéreuses Sauf que…
1⃣ L’étude a été réalisée sur 1 seule marque de bouteille
2⃣ Elle n’a pas été publiée dans une revue à comité de lecture, donc à prendre avec des pincettes
3⃣ Pas de différenciation entre l’effet de l’eau contenue dans la bouteille et une diffusion issue du plastique.
Cette autre étude compare l’activité œstrogénique de 9 marques d’eau en bouteille en verre et 9 marques d’eau en bouteille en plastique. L’activité est mesurée comme élevée pour 3 des eaux en bouteille en verre et 7 eaux en bouteille en plastique. L’origine de cette activité n’est pas déterminée avec certitude. On voit sur ce graphe qu’il y a peu de différenciation pour une même marque entre contenant en verre, en plastique ou brique :

Ces mêmes auteurs n’ont identifié aucune différence entre ces 2 types de bouteille (plastique et verre), après avoir vidé leur contenu. Il est probable que l’activité oestrogénique provenait de l’eau et non du contenant.
Pour résumer il faut différencier l’effet de l’eau elle-même et celui du plastique des bouteilles. Ces études montrent que l’eau contenue dans les bouteilles peut parfois contenir des perturbateurs endocriniens. Ils ne viennent pas du plastique de la bouteille.
J’ai lu des études et reviews récentes, et on retombe souvent sur les mêmes conclusions. pas d’analyse différenciée entre eau et bouteille et pas d’analyse critique non plus des études précédentes, en tout cas à ma connaissance, à part l’article de l’EHP. Précision importante : ces études sont majoritairement faites pour donner un aperçu de l’exposition aux PE, pas pour en déterminer les conséquences chez l’homme. C’est une étape cruciale avant toute étude sur les effets Je m’arrête là sur ce sujet.
Pour conclure l’affirmation selon laquelle il est avéré que les bouteilles en plastique produiraient des MP qui libèreraient des perturbateurs endocriniens est fausse. J’ajoute, sur le sujet des ustensiles de cuisine en plastique noir, que j’en ai parlé dans ce billet de blog.
Loi de Brandolini oblige il me faudrait d’autres billets de blog comme celui-ci pour être complète sur le sujet, alors qu’il en parle quelques secondes tout en assurant que c’est « certain » J’estime qu’inviter un non-expert qui ne fait que répèter des fakenews est irresponsable.
Petit lien vers les Threads X et BSK:

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