[ECLAIRAGE] Pollution des sols Français par les microplastiques

En janvier 2025, des articles de presse et des reportages titraient sur la pollution généralisée des sols français par les microplastiques (MPs), avec des explications et conclusions alarmistes. Qu’en est-il réellement ?

1- Une étude de l’ADEME

Ces articles commentent un rapport publié en février 2023 par l’ADEME et issu du projet MICROSOF. Je ne comprends pas pourquoi on n’en parle qu’aujourd’hui, je n’ai pas trouvé l’information. L’objectif de l’étude est d’établir une première référence sur la pollution des sols français par les microplastiques (MPs). Elle présente la méthodologie, les résultats, limites et recommandations pour réaliser ce type d’étude. Un retour d’expérience intéressant, mais dont le contenu est éloigné de ce que l’on peut lire dans les articles de presse qui le présentent. Je vous résume tout cela pour les différentes étapes de l’étude.

Les illustrations, graphes et tableaux sont issus de ce rapport que je vous recommande d’ailleurs. Il est court mais très intéressant.

2- Sols étudiés

33 sols ont été étudiés, un échantillonnage très faible :

  • 21 issus de grandes cultures
  • 4 de vignes et vergers
  • 4 de prairies
  • 4 de forêts.

L’échantillonnage est centré sur les sites agricoles, ce qui est peu représentatif. Il faudrait l’élargir aux zones industrielles et naturelles et augmenter le nombre de prélèvements.

L’objectif de l’étude est de comparer des sols exposés à des sources potentielles de MPs comme l’épandage de boues d’épuration et de compost, l’utilisation de paillage, l’irrigation d’eaux usées, le ruissellement de surface. L’objectif n’était pas de faire une cartographie de la pollution.

3- Méthodes

L’objectif était aussi de développer un protocole d’extraction et de caractérisation. Parce qu’on va le rappeler : aujourd’hui il n’existe AUCUN protocole standardisé pour mesurer et identifier la présence de MPs dans les sols. C’est d’ailleurs ce qui pose problème pour avancer sur la compréhension de la pollution par les MPs.

La profondeur d’échantillonnage était de 0-20cm. Sur chaque site, 1kg de sol a été extrait et des sous-échantillons de 50g ont été utilisés pour l’analyse. Les particules identifiées sont entre 5mm et 315µm. Tout est bien détaillé dans le rapport

4- Résultats

76% des échantillons analysés contiennent des MPs. Soit 25 échantillons sur 33. Surtout les échantillons issus de prairies. Voir ci-dessous le tableau de valeurs. Il y a très peu de microplastiques dans ces échantillons.

Il faut relativiser les résultats pour les forêts : 1 MP sur un seul échantillon. Pas assez représentatif pour parler de pollution à ce stade. Les MPs sont mobiles et peuvent se déplacer grâce à l’eau, la pluie ou le vent. Ce point est donc à consolider avec d’autres études. L’écart type est très important tout simplement parce que l’échantillonnage est trop faible. Du coup on se retrouve avec ce type de résultats, des écarts-types plus grands que les valeurs elles-mêmes. On peut analyser les tendances, mais pas les valeurs en l’état.

La nature chimique des plastiques retrouvés est assez cohérente avec celle des polymères issus des emballages comme le polyéthylène ou le polypropylène qui sont prépondérants. Le tout est de savoir d’où vient cette pollution.

5- Origine de la pollution

L’échantillonnage est accompagné d’un rapport d’intervention avec des informations sur la présence de pollutions éventuelles. Mais aussi des questions posées aux exploitants sur la pollution plastique. Sur ce dernier point, l’ADEME a eu peu de retours. L’étude n’identifie donc pas de source de pollution, parce qu’il manque des informations sur les lieux de prélèvement. Sauf sur 1 cas où l‘enquête fait état de nombreux macrodéchets sur le lieu de prélèvement. Sur d’autres, il est fait mention de zones industrielles, routes, agglomérations ou déchetterie entre 100m et 1km du lieu de prélèvement.

A noter que des routes ont aussi été signalées près de sites non contaminés. Avec aussi peu d’échantillon et d’informations, il est impossible d’établir les origines de la contamination. Il n’est pas non plus possible de faire de lien entre épandage et pollution des sols. Il y a d’autres facteurs externes à considérer et il est essentiel de partir sur un échantillonnage plus large, il faudrait plus d’informations sur ces sols, ce que l’ADEME n’a pas toujours pu obtenir.

6- Limites de l’étude

Les valeurs des analyses réalisées sont très en-deçà de ce qui a été évalué dans d’autres études (100 à 5000 fois inférieures) parce que généralement les études se focalisent sur des zones très spécifiques, notamment agricoles. Ce rapport identifie de très nombreuses différences qui ne permettent pas une comparaison entre les études existantes : taille des échantillons et sous-échantillons, élimination de la matière organique du sol pour éviter la surévaluation, différentes solutions pour séparer les MPs.

L’une des conclusions est que le risque de pollution est plus élevé dans les terres soumises aux interventions humaines. Vous remarquerez que je parle de risque. Et c’est comme cela que cela aurait dû être présenté dans les médias. Le rapport ajoute ce point très pertinent :

7- Pour conclure

Les articles et reportages sur le sujet sont très largement exagérés par rapport à la réalité de l’étude. Ça ne signifie pas qu’il n’y a pas de pollution, elle existe bien et cela n’est pas remis en cause par ce que je viens de dire. Cependant, elle n’est pas encore caractérisée (quantité, origine). Pour différentes raisons, notamment le manque de méthode standardisée et l’ensemble des limites évoquées dans le rapport. Le risque de pollution n’est pas à exclure ni la sous-évaluation de cette pollution.

Donc dire que « 3/4 des sols français pollués, notamment les sols agricole » (France Info) ou « la pollution aux microplastiques est massivement répandue dans les sols français » (Le Monde) n’est pas factuel. Aucune excuse pour le coup, le rapport de l’ADEME est très clair, accessible et met bien en évidence les limites et axes de progrès. Je vous mets un extract :

Petit lien vers les Threads X et BSK:

Il y a quelques jours, des articles de presse ou des reportages titraient sur la pollution généralisée des sols français par les #microplastiques (MPs). Comme cet article de Libé. Qu’en est-il réellement ? suivez le fil 🧵www.liberation.fr/environnemen…

Kako (@kakoline.bsky.social) 2025-01-05T17:53:24.442Z

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