[NUCLEAIRE] Histoire de la fresque de Cruas

Sur la route du sud de la France, par l’autoroute A7 ou le TGV, vous avez dû apercevoir la gigantesque fresque peinte sur l’un des aéroréfrigérants de la centrale nucléaire de Cruas en Ardèche. Pourquoi a-t-elle été peinte ? de quelle manière ? Je vous l’explique.

1- Origines

A l’initiative d’EDF et du conseil général de l’Ardèche, il est décidé de faire réaliser une fresque sur la tour aéro n°4 du CNPE de Cruas, sur le thème de la mythologie et de l’écologie. Le lieu est choisi pour sa visibilité depuis l’A7 et la ligne TGV.

L’œuvre est réalisée par l’artiste Jean-Marie Pierret qui choisit le thème du Verseau, représentant la rencontre de l’air et de l’eau, ce qui correspond à la fonction même de l’aéroréfrigérant : refroidir l’eau du circuit tertiaire grâce à l’air ambiant.

L’artiste est également à l’origine d’une autre fresque de grande ampleur, visible sur le barrage de Tignes (+ grand de France) et achevée en 1989 : le « Géant de Tignes », magnifique œuvre de 12 000 m² représente Hercule sur une surface voûtée

Revenons en à Cruas : La fresque représente une petite fille qui verse de l’eau grâce à un coquillage, sur une pyramide composée de triangles, en référence aux massifs calcaires en arrière-plan. Le panache de vapeur y est également représenté, dans le sens du vent.

2- Principe de réalisation

Le chantier démarre le 19 août 1991 après plusieurs mois de préparation pour mettre en place une méthode de reproduction calquée sur l’image télévisuelle.

Principe : créer une mosaïque de 553 000 pixels de 15×15 cm qui, placés dans un ordre précis donneront l’image finale !

3 couleurs de base sont utilisées, dégradées en 20 niveaux de tons + le blanc. Chaque pixel est identifié par sa position et sa couleur. Pour l’époque c’est très impressionnant. N’oublions pas que la surface est courbe, avec une base de 140m et une hauteur de 155m.

3- Le chantier

Comment cela a-t-il pu être réalisé ?

1- Par la digitalisation de l’œuvre. Une maquette au 1/100 sur laquelle l’artiste a réalisé son dessin est créée. Le dessin est digitalisé grâce à des photos de la maquette transmises à un centre d’ingénierie d’EDF qui utilise un logiciel mis au point pour mettre à plat l’image courbe. A partir de cette digitalisation, des carnets de peinture sont créés pour permettre aux peintres de connaitre la position et la couleur exacte de chaque pixel. C’est un peu la base, mais dans ce cas c’est juste primordial.

2- Préparation du chantier. 3 nacelles ont été mises en place pour accéder aux parois de la tour sur l’ensemble de sa hauteur. La forme de la structure permettait de fixer des potences pour suspendre ces nacelles. Le système de levage devait à la fois permettre de s’adapter à la forme de l’aero mais aussi de résister aux rafales de vent pouvant atteindre les 110 km/h. Il fallait sécuriser l’intervention avant tout.

3- Constitution de l’équipe. 9 guides de haute montagne dirigés par une entreprise spécialisée sont choisis. Ils sont guidés à distance par Jean-Marie Pierret, chacun muni de son cahier de peinture avec le programme à réaliser (position des pixels, couleur associée, séquençage).

Pour réaliser ce type de chantier, il est nécessaire de faire appel à des peintres avec des compétences particulières. Ce choix n’est donc pas surprenant.

Cette double compétence alpiniste/peintre peut être recherchée pour travailler sur certains ouvrages d’art.

4- Réalisation. Les travaux débutent le 19 septembre 1991 après une phase de nettoyage de la paroi en béton et l’application d’une sous-couche. Celle-ci est nécessaire pour obtenir un rendu esthétique homogène ainsi qu’une bonne accroche de la peinture.

5- Choix de la peinture. La fonction de cette fresque est uniquement esthétique. Une peinture acrylique est choisie, avec une résistance à la condensation, aux agents chimiques et aux UV (faïençage, résistance des teintes), essentiel pour un rendu esthétique durable.

Mais techniquement, elle ne devait avoir aucun impact sur le béton, de l’aéroréfrigérant et permettre les inspections qui sont réalisées de manière périodique.

L’inauguration a eu lieu le 13/12 1991, soit 3 mois seulement après le début des travaux. Etant donné la taille de la fresque et les conditions de réalisation c’est très court.

3- Quelques chiffres

– 13 500 m2 – ce qui en fait elle est la plus grande peinture murale d’Europe.

– 120m de haut – 6 mois d’études préalables

– 3 mois de réalisation

– 8000 heures de réalisation

– 8 tonnes de peinture

Aujourd’hui cette fresque a 33 ans. Se pose donc la question de sa maintenance. Je n’ai pas l’information sur ce point mais je vous tiens au courant bien sûr. On peut tout de même constater que la fresque reste de très bonne qualité étant donné son âge.

L’œuvre est un bel exemple de modification esthétique d’une tour aéroréfrigérante en béton et d’intégration dans le paysage. C’est une démarche artistique qui n’a pas été renouvelée mais qui pourrait l’être pour les futurs réacteurs ? Qu’en pensez-vous ?

Petit lien vers les Threads X et BSK:

Sur la route du sud de la France, par l’autoroute A7 ou le TGV, vous avez dû apercevoir la gigantesque fresque peinte sur l’un des aéroréfrigérants de la centrale #nucléaire de Cruas en Ardèche.Pourquoi a-t-elle été peinte ? de quelle manière ?On déroule 🧵⤵️

Kako (@kakoline.bsky.social) 2024-11-11T18:15:32.226Z

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