Bactéries dévoreuses de plastiques – un moyen de dépolluer les océans ?

Depuis mon doctorat j’entends parler de biodégradation des plastiques (ça date !). Les articles qui paraissent sur le sujet sont-ils un espoir réel de dépollution des océans ? Décryptage.

Photo de Catherine Sheila sur Pexels.com

Plusieurs articles ont résumé cette étude scientique qui présente comment les plastiques présents dans les océans et dans la nature en général modifient l’écosystème local et attirent des espèces très spécifiques, certaines pouvant digérer les plastiques.

Il peut y avoir des durées de dégradation plus courtes dans certaines conditions très spécifiques mais ça reste rare. L’intérêt de ces découvertes est d’utiliser ce processus de dégradation observé pour développer une voie de recyclage, mais ce n’est pas simple.

Jusque là, il y a eu peu de débouchés industriels. Il est très complexe de passer de la découverte d’un processus naturel à un processus de dégradation labo, puis pilote et enfin industriel. ça prend de nombreuses années et jusque là sans vraiment de succès.

Il y a bien Carbios qui développe un recyclage enzymatique, limité à des polyesters type PET (bouteille) PLA, qui doit encore passer à l’échelle industrielle. Mais ces découvertes ne concernent pas des phénomènes naturels qui permettraient de dépolluer seuls les océans, il ne faut pas y compter.

Le type de plastique est aussi à prendre en compte. Généralement les polyesters (PET des bouteilles, PCL, PLA) sont plus « faciles » à biodégrader que les polyoléfines (polyéthylènes et polypropylènes). Ces derniers sont pourtant très présents dans les océans. Exemple en Europe :

Tout ce qui est bouchons de bouteille, sac, couverts jetables etc, ne sont pas en polyester généralement. On peut retrouver du PLA pour les couverts. Mais globalement il y a beaucoup de déchets qui n’entrent pas dans cette catégorie.

Pour en revenir à l’étude en question, elle ne concerne que les PCL qui sont très peu utilisés dans les emballages et autres déchets retrouvés dans les océans. Ce sont des plastiques qui sont déjà biodégradables. Contrairement au PET par exemple.

Donc l’intérêt pour une dépollution des océans est mineur. C’est intéressant d’un point de vue R&D notamment pour comprendre la colonisation des zones polluées par les déchets plastiques et étudier l’évolution du comportement de ces organismes dans ce contexte de pollution.

Je remarque une orientation des études scientifiques dans les titres et résumés qui peuvent tromper le lecteur qui ne lit pas l’étude. Typiquement les médias. Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver pour un non-sachant.

Par exemple cette illustration de l’étude est trompeuse. Il ne s’agit pas de dégradation des bouteilles en PET mais de récupération de bactéries et champignons sur les déchets en PET, qui seront utilisés pour dégrader un plastique biodégradable, le PCL. Une nuance importante qui montre l’intérêt de lire l’article que l’on commente…

Il faut donc être vigilant, bien que l’étude soit intéressante, ce n’est pas, à ce stade, une découverte qui entrainera une rupture technologique dans le recyclage chimique/enzymatique des plastiques qui, rappelons le, sont multiples.

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