Plasticomerat, les roches de déchets plastiques

Des chercheurs ont identifié des formes de roches constituées de déchets plastiques et appelés « plasticomerat ». Comment ces roches se forment-elles ? Quels impacts potentiels ? Réponse dans ce billet.

Plastic rocks! (plastiglomerate) - Oceans to Earth

Tout d’abord il faut préciser que la grande majorité des déchets plastiques sont des thermoplastiques, c’est-à-dire des plastiques qui ramollissent et peuvent fondre lorsqu’on atteint une certaine température ou couple température/pression.

Les plus courants sont le polyéthylène (PE) le polypropylène (PP), le polyamide et le polyéthylène téréphtalate (PET des bouteilles). Les deux premiers peuvent fondre entre 100-160°C, les deux derniers entre 190 et 250°C. Les plastiques peuvent être de type élastomères (caoutchouc, pneus) ou résines thermodurcissables (peintures, colles). Mais ces deux autres catégories de plastique ne fondent pas. Elles se dégradent par combustion, de coulent pas. J’en avais parlé dans ce billet.

Le terme plasticomerat n’est pas le seul à définir des formations géologiques avec plastiques. Il y en a 3 :

1- Plasticomerats : matériaux composites constitués d’une matrice plastique fondue avec des inclusions anthropiques et naturels (coquillages, sable, autres débris etc.). Ce sont des roches clastiques, constituées à +50% de déchets. Elles gardent leur couleur généralement. Ce sont des plastiques fondus, peu dégradés par l’environnement. Par exemple la couleur verte peut être celle des filets de pêche. Voir sources (1) (2).

Image
Image

2- Pyroplastiques : plastiques fondus qui ont perdu forme et couleur d’origine en raison de l’altération de l’environnement et par forte dégradation thermique, ressemblant parfois à des roches naturelles. Voir source (3).

Image

Ce sont des plastiques ayant fortement brulé puis dégradé par l’environnement au fil des ans, formant des roches indissociables des roches minérales. Si ce n’est par leur densité. Constitués majoritairement de PE/PP, ils flottent, de plus ils sont souvent poreux. Voir source (4).

Image

3- Plasticrust  (5) : débris plastiques incrustés à la surface ou dans les crevasses des roches intertidales ou des blocs rocheux. On y retrouve des filets de pêche (couleur verte) dans ce cas, la couleur des plastiques est conservée, on est sur un plastique qui a fondu ou ramolli.

Image
Image

Donc vous l’aurez compris, pour que ces structures se forment, il faut que les plastiques fondent ou ramollissent à minima. Il faut donc les porter en température. Et cela peut se faire de plusieurs manières :

Volontaire – Brûler des déchets

Si la combustion n’est pas totale des plasticomerats se forment. S’ils sont fortement brulés, on obtient des pyroplastiques. Les débris et filets s’agglomèrent sous forme d’un bloc. Ce qui a un impact sur leur dégradation. Lorsque les plastiques sont sous forme de fragment/fibres, ils se dégradent plus vite puisque la surface de contact avec l’environnement est plus importante sur de grandes surfaces. Cette forme massive même érodée par le temps augmente la durée de dégradation des fragments/fibres.

Involontaire – Feux de camp

Les débris plastiques se retrouvent dans les sédiments et le sable sur les plages, sur une épaisseur de 1 à 10cm. Quand un feu est allumé sur une plage qui contient beaucoup de micro-débris, des plasticomérats se créent dans le sable. Certes de plus petite taille, mais on agglomère les débris plastiques avec d’autres éléments. L’effet est, de mon point de vue, plus problématique puisque ces déchets ne sont pas exposés et leur forme agglomérée augmente leur durée de dégradation.

Les plasticrusts

Ils se forment sous l’effet cumulé de la température des rochers et la force des vagues. Des expériences menées sur des filets de pêche, sur des surfaces rocheuses à 45-55°C montrent une adhérence fibre/roche, liée à la fonte du plastique avec le temps. Sans entrer dans les détails, on modifie également leur structure microscopique, probablement par une cristallisation plus homogène et importante des matériaux, puisque le refroidissement dans le sable est plus lent. Cristallinité élevée ➡️ vitesse de dégradation plus importante

Quels impacts ?

La combustion et la dégradation thermique des plastiques génèrent des substances toxiques : CO/CO2, HAP, dioxines, furanes, métaux lourds. Des polluants qui ont un impact sur l’environnement et la santé humaine. Brûler du plastique n’est pas sans conséquences. Les produits issus de la combustion des plastiques sont différents de ceux émis lors de leur dégradation naturelle. La température n’accélère pas seulement le processus de dégradation dans ce cas, elle le modifie complétement.

Il y a de nombreux articles sur ces formations géologiques, observées un peu partout dans le monde : Italie, Brésil, Pérou, Hawaï, Angleterre… avec un contexte de fréquentation, pollution des côtes, courants, très différents.

Constat : ces « roches » constituées de plastiques d’origine anthropique, sont également formées par action anthropique. Volontairement ou non, elles sont donc un marqueur des activités humaines, tout comme l’accumulation des microplastiques dans les sédiments.

Petit lien vers le Thread Twitter :


Commentaires

Laisser un commentaire